Bas les masques
Je ne sais pas vous mais moi le matin je marche au radar. Je ne peux pas articuler une parole avant d’avoir pris mon petit-déjeuner. Or ce matin un froufroutement sur la table de la salle à manger a stoppé mon élan pour aller appuyer sur le bouton de la cafetière. Ils étaient tous là, rubans au vent, à m’apostropher
-Tu te magnes, on en ras le bol d’attendre le bon vouloir de Madame. Tu nous a promis, un voyage et nous sommes là en carafe sur ta table.
L’Africain menait la danse et s’est mis à taper sur son tam-tam histoire de faire venir ses ancêtres. Affolement chez ses voisins de table
- Tu es fou. Ils doivent rester dans leur case. Dorénavant c’est chacun chez soi.
Le félin de sa démarche chaloupée a sauté sur le fauteuil. S’est jeté dans ses bras, s’y est pelotonné et de bonheur l’a griffé « arrête tu me fais mal, retourne sur la table ».
Le parisien tout fier d’exhiber gâteaux et tour Eiffel leur a annoncé « je rentre de New-York où l’on m’a célébré. Quoi ? Ont répondu les autres en chœur mais tu vas nous contaminer. »
Un autre tout timide, leur a dit :
- Je viens de Rome, les cloches m’ont déposé ce matin avec des œufs en chocolat ».
- Du chocolat mais on va te manger »
Enfin, le plus timide d’entre eux avec des étoiles dans les yeux, a déclaré
- J’offre mes cœurs à ses copines et à ses voisines. Je fais le serment de les protéger du mieux que je peux.
Alors, je l’ai pris délicatement, l’ai déposé dans un écrin de papier. Et de ma plus belle plume j’ai écrit : fais vite facteur, c’est le masque du cœur.
Mireille Héros
12 avril 2020