Le guetteur
De temps en temps dans la vallée baignée des effluves de seringat, je partais à la recherche du guetteur des montagnes. Perché sur un piton rocheux, de son regard perçant, il cherchait sa proie. Un agneau, un lapin ou tout simplement un rat des champs.
J’aimais le voir prendre son envol. Je découvrais alors, tout le sens du mot seigneur. Il déployait ses ailes majestueuses et fendait le ciel jusqu’au moment où il repérait sa proie. Il tombait comme une pierre, plaquait sa prise au sol parmi les fleurs sauvages toutes plus belles les unes que les autres.
Aussitôt, je prenais un crayon dans mon plumier, m’emparais de mon carnet de croquis et fixais ce tableau sur le papier. Je n’ai pas l’âme d’un chasseur mais le regard perçant de cet aigle me fascinait. A chaque fois, il faisait sortir le passionné de contes et de légendes qui est en moi. Les images surgissaient et la cour du roi Arthur apparaissait avec ses maîtres fauconniers. Ils suscitaient l’admiration des femmes toutes plus désirables les unes que les autres.
Ce tête à tête avec cet aigle était mon jardin secret, dans lequel personne ne pouvait pénétrer. Pas question de se promener dans ses allées. Et encore moins de partager ce moment de plénitude si mystérieux.
Mireille Héros
Le 19 mai 2020