Kanjawo, le voilier bibliothèque
Saint-Malo, le 19 mai 2020
Chère Marion
Maintenant que je suis refait à neuf, grâce à tes bons soins et ceux de Manon, nous allons pouvoir reprendre notre tour du monde pour lutter contre les inégalités d’accès à la culture. Quand tu viendras, tu pourras constater par toi-même que le courant a été rétabli grâce à mon éolienne.
La dernière fois que nous nous sommes rencontrés sur les quais de Saint-Malo, tu m’as dit, j’ai placé auprès de toi des bibliothèques numériques qui contiennent des ouvrages sublimes. Les contes de Perrault, de Grimm et des manuels d’apprentissage de la lecture, rien de plus normal lorsque l’on est comme toi, une éditrice de livres pour la jeunesse.
Lorsque j’examine la carte posée sur le tableau de bord, je me dis que vous êtes deux super nanas. De vraies aventurières. J’ai vu que le Sénégal était votre prochaine destination. Vraiment, je me sens pénétré d’un respect immense pour votre entreprise mes petits bouts de femmes qui allez devoir affronter vents et marées. Marion, tu es un skipper chevronné, qui ne recule devant aucun défi même les plus fous. Manon ton moussaillon saura t’épauler dans les moments difficiles. A deux on est toujours plus fortes. Mais toi Marion, la rousse Malouine, prends garde à toi, les gens n’aiment pas que l’on soit différent. Tu as l’âme d’un loup de mer qui ne craint pas les grains. Mais, malheureuse ! ne sais-tu donc pas que deux filles seules à bord d’un voilier ça attire toujours les convoitises. Que les pirates sévissent encore sur l’Atlantique et à plus forte raison dans les rues de Dakar. En fixant un œil attentif sur les trottoirs, vous repérerez rapidement les jeteurs de sort.
Je sais que vous devez retrouver là-bas des enseignants qui se battent pour ouvrir en grand les portes de la littérature. J’ai vu que Dior figurait sur votre carnet de rendez-vous. Méfiez-vous de la réaction des parents d’élève car on lui reproche son extravagante tenue dans ses boubous en wax. Il paraît qu’elle apprend la sorcellerie à ses élèves et n’hésite pas à la pratiquer auprès des étrangers lors de soirées bien arrosées. Prudence. Dans ces sortes d’occasions, on se laisse griser par l’exotisme qui finit trop souvent au fond d’une case.
Voilà, chère Marion. Je suis fin prêt pour le voyage.
Et comme on dit chez nous, bon vent.
Kanjawo
Le voilier bibliothèque
Mireille Héros
A partir d'yun texte à trous