Les encriers
Juin. Le parfum sucré des tilleuls. Le ciel bleu posé sur les camaïeux de vert des arbres. Le soleil joue à cache-cache avec les nuages.
Juin. Les fraises et les asperges constellent de rouge et de blanc les étals du marché . Le seringat embaume la nuit qui file vers les étoiles. Le merle lance ses trilles, une cerise dans le bec. Dans la cour d’école, les fleurs de tilleuls rejoignent les sacs de papier kraft. Une odeur de cire flotte dans la classe. L’heure des vacances a sonné. C’est le moment de renverser les encriers.
Dans leur blancheur maculée d’encre violette, ils donnent à voir des histoires. Des histoires de marins écrites avec un porte-plume percé d’une lentille qui vous emporte sur la mer démontée, au pied d’un phare perdu dans sa solitude. Le gardien guide les bateaux qui luttent contre les éléments dans la tempête, aveuglés par les embruns. Ils suivent le faisceau lumineux qui les conduira à bon port.
Ils donnent à entendre le chant des sirènes pour retenir Ulysse. Elles lui promettent monts et merveilles et ensorcellent ses marins. Le crépitement des feux de la Saint-Jean quand ils brûlent toutes les colles, les lignes, les leçons à apprendre par cœur, les accords et les désaccords des verbes, les participes passés…
Ils donnent à sentir le parfum des fleurs qui courent dans la montagne et offrent leur calice aux abeilles sauvages, l’odeur des blés et des pins.
Ils donnent à goûter le sel de l’océan quand il se dépose sur les lèvres
Ils donnent à toucher les rêves qui s’envolent dans les nuées.
Vidés de leur encre violette, les encriers ouvre la porte de la liberté, celle des vacances.
Mireille HEROS
22 septembre 2022