Quand les pinceaux s’emmêlent les crayons

Dans l’atelier d’un peintre, deux pinceaux attendent. Que va faire le Maître aujourd’hui ? Choisir un nu ou un paysage ?

Da Vinci : Cher Raphaël sais-tu si on va travailler aujourd’hui ?

Raphaël : Mon cher Da Vinci, je ne sais pas. On ne peut pas nous mettre en télétravail ! Avec le covid on est déboussolé. Avant je sortais toutes les semaines, en principe le jeudi…

Da Vinci : Comme toi j’ai changé de lieu

Raphaël : J’en ai marre ! Je suis serré dans un pot à confiture avec d’autres congénères qui ne sortent pas beaucoup.

Da Vinci : On a beau nous dire que nous sommes les meilleurs mais on dirait que l’homme au chapeau boude ou n’a pas d’idées en ce moment.

Raphaël : Pourtant je l’ai vu mettre son chevalet près de la fenêtre et poser une grande toile. C’est peut-être pour bientôt.

Da Vinci : Va-t-il amener une fille qui posera nue. Ça me plairait bien de sortir pour voir ça. Et toi ?

Raphaël : Ah ! Moi aussi ! Ma soie est belle, bien lustrée, pour passer sur un corps bien bronzé. Je rêve…

Le lendemain.

Raphaël : Ah, le voilà. Nous ne ferons pas les beaux sur un nu, on va se taper la mer, des rochers, des algues. Pfut, il n’y a même pas de baigneurs encore moins de baigneuses…

Da Vinci : t’as vu le gars qui est rentré. Il tripote le pot, le tourne… Va-t-il choisir un de nous deux ? Et non ce n’est pas notre tour, il sort un gros, il va faire le ciel.

Raphaël : Ouais, les rochers vont être pour nous. Ouf on est moins serrés depuis que le gros est sorti… Dis donc, je trouve que notre homme tousse beaucoup. Tu verras que demain il sera à l’hosto avec le Covid !! J’espère qu’il ne nous laissera pas mariner dans sa mélasse pendant des semaines.

Un jour passe.

Da Vinci : C’était couru d’avance. Nous avons bien travaillé hier mais l’homme pris d’un malaise a été obligé de se séparer de nous et nous a collé dans le pot de nettoyage. Pour combien de temps, nul ne le sait ?

Raphaël : C’est moche de finir notre vie dans cette essence glauque de saleté avec le gros du ciel. C’est à pleurer. Merci Covid.

Françoise Hugue

24 mars 2021