Une pintade pour madeleine de Proust

Un jour chez des amis, la maîtresse de maison servit de la pintade. A la première bouchée le souvenir de la pintade à la sauce noire de ma grand-mère m’est apparu. Celle qu’elle cuisait pour le repas dominical avec toute la famille réunie autour de la table.  Je respire encore le fumet de la volaille cuisant dans le four. Je retenais mon souffle aurai-je droit à l’aile ou la cuisse dont la peau était si croustillante et surtout cette sauce noire, parfumée que ma grand-mère versait dans le puits creusé dans la purée. J’en ai encore le goût dans la bouche.

Cette pintade fait resurgir le passé et surtout la maison de la Cure où nous passions toutes nos vacances avec ma sœur. Ah cette longère, c’était la maison du bonheur. Elle nous souriait avec ses rosiers et ses géraniums. C’était à n’en pas douter la plus belle des maisons du village du moins pour les fleurs. A l’intérieur nous avions notre pièce surnommée l’alcôve. C’était notre domaine interdit aux adultes. Tous nos jouets formaient un joyeux bazar que ma grand-mère n’aurait bousculé pour rien au monde. Et puis il y avait l’atelier où je construisais mes bateaux que j’allais ensuite, en compagnie de mon grand-père, faire flotter sur l’Allier. Il suffisait de prendre le chemin à gauche de la maison et nous y étions. A l’heure du repas était ma grand-mère agitait une cloche et nous nous dépêchions de remonter.

C’est incroyable ce que notre palais peut-être le réceptacle de nos souvenirs d’enfance. En une bouchée j’ai revu les apéros chez mes arrière grands-parents, la fête du village avec les Chavans, le zoo de Saint-Augustin dont la propriétaire parlait avec les animaux. C’était même écrit dans le journal.

Ah ! Nostalgie, nostalgie. Mais pour l’heure la pintade de ma copine ne vaut pas celle de ma grand-mère. Elle est dégueulasse, elle n’est pas cuite, il n’y pas d’oignons dans la sauce.

Pour Noël  j’en demande une à ma grand-mère.

Mireille Héros  – décembre 2015