Chroniques de rue : Le caddie chasse le gaspi
Je viens de Roumanie. Dans le caddie accroché à mon vélo, j’ai entassé toute ma vie, c’est-à-dire pas grand-chose. Je suis arrivé les mains dans les poches et la tête remplie de désespoir. Mon caddie reste désespérément vide. Je suis délogé dès que j’arrive quelque part et je n’ai pas le temps de ramasser une petite pièce, un petit fil de fer. Pourtant je pousse la chansonnette « Prosper yop la boom, c’est le roi du macadam ! »
Le macadam, moi, ça me connaît. J’y ai mis la petite Lulu. Tous les matins à 7 heures, elle turbine dans le bois de Vincennes ou parfois dans celui de Pontcarré. Changement d’herbage, réjouit les veaux. Les clients que l’on veut pénaliser, ne sont-ils pas des veaux en quête d’émotions fortes ? Pendant ce temps-là je fais les poubelles à la recherche de bouffe, de métal, de vêtements en bon état. Dans certains quartiers, c’est le Pérou. Qu’est-ce qu’ils gaspillent dans le coin. Cependant il faut faire gaffe aux proprios avec leurs chiens. Tien voilà justement le gros rougeaud avec son bouledogue qui grogne. Filons en douce! Je m’en retourne dans ma cabane de fortune déposer mes trésors. Ici ou ailleurs, pourtant rejeté, il ne me reste plus qu’à philosopher : j’ai la liberté, mes pieds pour marcher, mes mains pour récupérer, mes jambes pour pédaler. Vive les Français qui jettent et gâchent de bons produits.
Collectif Table d'écriture