Vous avez dit incipit ?

- Vous regardez cette image, chère Irène, et vous dites incipit

- Moi j’ai dit incipit, comme c’est étrange. Pourquoi aurais-je dit incipit ?

- Je vous assure chère Irène que vous avez dit incipit. Et même qu’il revêtait différentes formes.

- C’est vraiment étrange. Mais lisez-moi ce que vous avez écrit à partir de ce coffre à jouets.

Je suis partie sur du statique : « Un avion. Deux tours. Le chaos. Des cris. Des sirènes. Une épaisse fumée sur Manhattan. Le taureau de Wall Street en miettes »

Puis j’ai enchaîné avec un incipit déroutant : « C’était un matin. Le soleil brillait sur Manhattan. Les costumes-cravates s’affairaient. La statue de la Liberté veillait sur les bateaux. Les ordinateurs crachaient les cours des bourses du monde entier. Les salles de marchés bourdonnaient. Quand tout à coup un lapin rose et un pantin bleu prirent d’assaut le taureau de Wall Street. Puis soudain une explosion déchira l’air ».

Vint ensuite le dialogue : « Et si on faisait sauter la banque demande le lapin rose au pantin bleu

- oui mais laquelle

- au hasard. Les tours du World Trade Center feront l’affaire ».

Puis je me suis immiscée dans le journal intime de John : « L’Amérique, mon Amérique est attaquée au cœur. Les tours jumelles ne sont plus qu’un tas de ruines. Tout ça pourquoi ? Mon cœur saigne. Les pompiers cherchent sans répit les rescapés. Qui peut nous en vouloir à ce point pour semer la mort, décimer des familles ? Au nom de quoi, de qui ? Je suis perdu. »

J’ai ensuite utilisé la forme suspensive : « Comment avaient-ils pu monter dans l’avion sans attirer l’attention, passer tous les contrôles. Il doit bien y avoir une faille dans le système. Et notre président qui affirmait que nos systèmes de sécurité étaient inviolables ! »

Et pour finir, j’ai le pris le parti de l’incipit progressif : « J’étais à l’aéroport de Nice quand mon téléphone a sonné. Les voyageurs couraient dans tous les sens, s’agglutinaient devant les écrans. D’autres étaient scotchés à leur portable. Certains étaient en larmes, hébétés ne sachant où aller. Je ne comprenais pas jusqu’au moment où ma secrétaire au bout du fil me dit dépêche-toi de rentrer les journalistes te cherchent partout. La galère ne faisait que commencer. »

Mireille HEROS

Club des Poètes

18 juin 2021