La princesse aux sabots et les malandrins
L’aube se hasarde dans la chambre de bonne
Au sixième étage, d’un hôtel rue d’Eaubonne
Cendrillon regarde tristement un carton
Est-ce une invitation de son beau baryton ?
Elle n’en croit pas ses yeux, elle vient de l’Élysée
« Nous fêtons nos héros, en tenue de soirée »
Avec deux vieux rideaux trouvés dans la poubelle
Vite, elle se fait une robe toute en dentelle
Une touche de fard sur sa peau veloutée
Un peu de patchouli et la voilà parée
Elle attrape un taxi, une vieille guimbarde
De collection lui dit le chauffeur qui bombarde
Quand elle entre au château, Cendrillon étincelle
Attire les regards et joue de la prunelle
Dans les bras des danseurs, grisée par le champagne
La soubrette bâtit des châteaux en Espagne
Quand le maître des lieux, dans le petit matin
De plus en plus pressant, par le bras la retient
Vite, elle fait un selfie et balance le porc
Sur les réseaux sociaux, à coup sûr il est mort.
Elle sort de ses griffes et trouve la sortie
Où le gardien s’envoie du Lacryma -christi
Elle tombe nez à nez avec des gilets jaunes
Que tu sois courtisane ou bien une amazone
Tu paieras pour le vieux, direction la Lanterne
Mais je suis des vôtres, serveuse à la taverne
De maître Kanterbrau au métro République
Tu nous prends pour des nuls, remballe tes suppliques
Avec tes dentelles et tes souliers de vair
A Richelieu Drouot, tu vas en jouer un air
Elle crie et sanglote, son fard coule, encre noire
Sur un visage d’ange un jour de désespoir
Elle prend son portable pour joindre sa marraine
Hélas le répondeur débite sa rengaine.
Margot ou princesse, nul n’échappe au destin.
Mireille Héros
18 février 2021