Deux tongs au pied d’une pyramide
Deux tongs bleues
Gisent tristement
Au pied des escaliers
De la pyramide de Noisiel.
La tong gauche soupire
Ce n’est pas le pied ici
Tous les chiens
Lèvent la patte sur nous
Pourtant c’est interdit
De postillonner
A moins d’un mètre cinquante
Nous allons être contaminées
Et nous serons mises en quarantaine.
De quoi te plains-tu
Lui répond la tong droite
Nous n’avons plus à supporter
Le quintal de notre propriétaire
Et encore moins le parfum de ses pieds
Rappelle-toi de sa corne
Qui nous râpait la peau
Et de ses ongles noirs
Qui nous griffaient
Et nous filaient des gratouilles
Notre peau cloquait de partout
Et partait en lambeaux
Maintenant nous nous douchons
Avec la rosée du matin
Nous nous parfumons à la violette
Notre peau a retrouvé sa douceur
Nous sommes libres
D’aller où bon nous semble
Le confinement on l’oublie.
Et la voilà partie escalader
Les marches de la pyramide
Elle se sent légère
Tellement légère
Qu’une bourrasque de vent
L’emporte et la dépose
Sur la grue du chantier voisin
Le grutier étonné
Regarde la tong esseulée
Qui se met à pleurer
J’ai perdu la gauche
J’ai perdu la gauche
Quelle gauche, répond-il
La gauche plurielle ?
La gauche unique ?
La gauche écolo ?
Sous le feu des questions
Elle en devient toute gauche
C’est bien ma chance
Je suis tombée sur un mec de la CGT
La Compagnie générale des Tarés.
Vite, elle se glisse dans la nacelle
Et une fois à terre
Prend ses jambes à son cou
Et rejoint la droite
Sur le trottoir
Pour trouver chaussure
A son pied
Mireille Héros
Le 8 avril 2020