Si c'était à refaire

J’aime les aéroports. Tous dégagent un parfum d’exotisme, d’évasion propice au voyage. De Paris à New York, de Mexico à Rome, de Bangkok à Colombo, des gens de toutes nationalités se croisent dans un joyeux tohu-bohu. En ce début du mois de novembre, il fait un temps de chien et des trombes d’eau ruissellent sur les baies vitrées d’Orly. Mais une humeur vagabonde envahit l’aéroport en dépit des retards annoncés pour Agadir, dus à la tempête qui a sévi sur l’Atlantique. En rêveuse invétérée, j’en profite pour saisir l’instant avec ma plume.

Sur le siège d’à côté, un explorateur aux cheveux blancs, rangers aux pieds, tenue de safari, très branché du style « vient chez moi je te montrerai ma tablette » nous fait largement profiter de ses conversations téléphoniques. En travaux d’approche, il tente la météo sans grand succès. Alors il sort le grand jeu de son sac à dos, un ordinateur portable aux dimensions généreuses. Il en est pour ses frais et change de place.

Pendant ce temps, un flot ininterrompu de chariots électriques déverse son lot de passagers âgés qui malgré l’arthrose et autres bobos dus à l’âge continuent coûte que coûte à voyager, à partir à la découverte de nouveaux horizons avec canne et déambulateurs. Cette volonté de ne pas raccrocher est touchante.

J’en suis là dans mes réflexions quand mon regard s’arrête sur une chevelure platine. La silhouette estfine comme celle d’une quinquadolescente. Quand elle se retourne c’est le choc. J’en attrape la chair de poule. La peau est tellement tirée, étirée que son visage cadavérique ressemble à un masque d’Halloween. La démarche mal assurée, elle se lève, tire de son sac de vieux magazines tout chiffonnés. Puis s’assied et prend son visage entre ses mains. Elle a tout d’un monstre en dépit d’une volonté farouche de cacher son âge. Elle se redresse prend son miroir pour replacer les mèches de cheveux rebelles. Son regard la trahit : c’est celui d’une vieille femme. Si c’était à refaire peut-être préférerait-elle conserver ses rides et pouvoir encore sourire.

Mireille HEROS

les mardis de l'écriture