Chronique de rues : Z’avez pas vu les dents de Karim ?

Je me présente, je m’appelle Karim. Je voudrais bien retrouver mes dents. Pourtant, hier soir, je les avais posées dans mon verre, à côté du lit. Mais ce matin, le téléphone a sonné juste au moment où j’entrais dans la salle de bain pour me préparer. Est-ce un coup e l’extrême droite pour me ridiculiser ? Est-ce un coup du père François pour accréditer sa théorie ? Je ne peux me présenter à aucun entretien d’embauche sauf chez le dentiste pour lui faire une contre publicité : sans dents comment mordre la vie à pleines gencives ?

Sans compter que sans dents je ne peux même pas m’exprimer, les mots se transforment en bouillie dans ma bouche. Et ce dentiste qui ne comprend rien. J’ai beau m’exprimer avec mes mains, c’est encore pire. Je me suis mis à pleurer à gros sanglots dans la rue Saint-Georges. J’étais inconsolable jusqu’au moment où j’ai rencontré une belle plante de trottoir. Souriant des deux seules dents qui ornaient ma bouche, je lui ai dit : « bonjour, je m’appelle Karim ». Je pensais la séduire, même édenté. Froide comme la glace, elle m’a répondu : « moi, c’est Madame ! »

J’ai ravalé mon sourire et me suis mis à rechercher activement mes dents. Elles m’avaient côté un brin : un an d’économies et le sourire d’une belle !

Collectif Table d'écriture