Une rapiette prise d’ivresse

Pour une drôle d’histoire, c’est une drôle d’histoire que celle du petit lézardeau aventurier. Il voulait découvrir le monde, tout seul, sans l’aide de sa maman.

Aujourd’hui, c’est décidé, j’y vais, se dit-il. Toutes les conditions sont réunies. Le soleil réchauffe de ses rayons les tuiles et le mur. Le ciel est au beau fixe. Profitons-en pour faire une bonne petite balade.

Aussitôt dit, aussitôt fait, il sort discrètement du nid maternel, sort la tête, regarde à gauche puis à droite. Tout à coup, une branche d’olivier vient lui souhaiter la bienvenue. Apeuré, il rentre vite dans le nid. Il attend que l’alerte soit passée pour se pencher à nouveau et vérifier que la voie est libre. Là, il s’enhardit, sort la tête, les deux pattes de devant puis celles de derrière et enfin la queue. Il se retrouve sur une immense étendue blanche et ne sait où se diriger. Il va de gauche à droite, descend, remonte, ivre de bonheur et de liberté.

Soudain, une odeur inconnue, celle de la soupe, vient lui chatouiller les narines. Elle l’attire comme l’abeille sur le miel. Mais d’où provient se parfum s’interroge-t-il ? De la porte d’entrée de la maison ou de la fenêtre ? Sa curiosité et sa gourmandise l’emportent et il opte pour la fenêtre. Il descend, exécute un numéro d’équilibriste sur le rebord de la fenêtre, vérifie qu’il n’y a aucun intrus aux alentours et se glisse à l’intérieur de la maison.

Là, il découvre un  univers qui lui est complètement étranger. Une table et des chaises semblent attendre des convives. Mais pas le moindre morceau de mouche ou de moustique à se mettre sous la dent. Il se ravise  puis aperçoit un grand bac blanc où gît un verre renversé. Intrigué, il approche, se faufile dans le verre et y goûte un délicieux nectar : du vin.

Il s’extasie aux premières gouttes de ce délicieux breuvage qu’il avale goulûment et le rend tout euphorique. 3Ah que la vie est belle. Je me sens léger, léger comme l’air. Je me sens pousser des ailes, chante-t-il, et le monde m’appartient ».

Soudain, un bruit résonne dans la cuisine. Quelqu’un bouges les verres et les vide. Apeuré, le petit lézardeau s’échappe par la fenêtre et tente de regagner son nid. Hélas, pris d’ivresse, il ne peut plus remonter, ses pattes glissent lamentablement. Plus il veut grimper et plus il redescend. La tâche lui semble insurmontable. Alors, il se met à pleurer de désespoir. Il appelle sa maman qui, alertée par la disparition de son petit était partie à sa recherche.

A la vue du petit lézard tout penaud, elle ne peut s’empêcher de sourire. Le prend sur son dos pour le sortir de ce mauvais pas et le ramener au bercail. Elle le place en cellule de dégrisement avec une bonne soupe de mots qui forment une ronde en chantant

Ah vous dirai-je mes amis

La cause de tous mes tourments

Maman veut que je raisonne

Comme une grande personne

Moi je dis que les moucherons

Valent mieux la raison.

Mimiscribouillard –Août 2014