Portraits de femmes : Mamie SAMU

Tôt le matin, elle se levait sans bruit, le cœur rempli de tendresse, heureuse de cette nouvelle journée.  A pas feutrés,  elle allait et venait dans la cuisine et écoutait la radio en sourdine. Elle préparait le petit-déjeuner de ses quatre petits diables en portant une attention à chacun d’entre eux : orange pressée sans la pulpe et « briote » pour le plus petit, céréales et tartine de confiture de framboise pour le plus grand, yaourt à boire et pain d’épices pour les filles. Puis, elle installait les plateaux devant la télé, le magnétoscope programmé sur leur dessin animé préféré. 

Ensuite, elle allait dans la salle de bain et faisait couler l’eau tout doucement, imposant le silence aux tuyaux pour ne pas réveiller la maisonnée. Ses chérubins avaient besoin de sommeil après une journée passée au grand air.

Elle qui toute sa vie avait couru après le temps qui lui filait entre les doigts comme du sable, appréciait ces moments de plénitude. A ses yeux il n’y avait pas de plus grand luxe que de prendre le temps de chérir et de gâter ses petits-enfants.

Dès qu’elle était dans la cuisine à préparer une tarte on entendait un cri de guerre « c’est moi qui pique ! »  Et là, elle fondait en voyant les petites mains, cribler la pâte, d’impacts de fourchette. A l’heure du goûter, une question fusait « Quand est-ce que tu nous fais une assiette ? » Les smarties se transformaient en bateau ou en avion et accompagnaient le gâteau choisi. Mais le moment le plus apprécié des enfants était l’heure du tricot. Invariablement, ils lui demandaient : « Tu me donnes un fil Mamie ! » Les pieds de chaises et de tables se retrouvaient emprisonnés dans un maillage savant !

La tendresse c’était force mais aussi sa faiblesse. Toujours elle était sur le qui vive : ne s’ennuient-ils pas ? Ne sont-ils pas malades? Ne sont-ils pas trop téméraires ? Pourvu qu’il ne leur arrive rien. Elle voulait faire de son amour un rempart contre les nuages gris de la vie. Mais très vite, elle se reprenait et souriait au joyeux tohu-bohu des enfants.

Le téléphone sonnait « On arrive samedi ». La parenthèse enchantée se refermait pour quelques mois mais bientôt elle entendrait : « Mamie Samu vient vite le petit dernier est malade ! »

Mimi Scribouillard