Portraits croisés
Aimes-tu Brahms me demande un jour mon amie. Bien sûr mais je préfère Verdi lorsque les trompettes d’Aïda m’emportent sur la planète bleue ou encore Vivaldi quand il fait vibrer l’automne de son violon flamboyant. Les notes s’envolent teintées de couleurs chaudes me parent d’un manteau doré pour me protéger des premiers frimas. Et toi que t’inspires Brahms ? Il m’ouvre l’infini du ciel où je peux me délecter du spectacle des étoiles comme une enfant. Je vois Beltégeuse par une belle nuit d’été, exécuter un pas de deux avec Orion qui chante la ballade des gens heureux. J’ouvre tout grands mes yeux et mes oreilles moi l’infiniment petite face à l’infiniment grand.
Et nous voilà parties à poétiser, à rêver d’une île aux mots où la grammaire serait une chanson douce, où le souffle du vent se ferait signe pour écrire les plus belles légendes. Nous suivons la semeuse à la dent de lion et glanons deux mots au hasard : caravansérail pour mon amie et myrtilles pour moi.
Entends-tu, me dit-elle, le bruit des caravanes le long des pistes du désert. Elles transportent l’eau et le sel. Regarde ces hommes fiers, coiffés de leur cheik, dont la devise est : même si l’on est pauvre, il faut rester digne. Sens-tu le parfum du thé à la menthe, il t’envoûte telle une musique orientale dans le désert. Pour la remercier, je lui donne à respirer le parfum des sous-bois des Monédières où se cache la myrtille, cette petite baie violette qui fait le délice de nos desserts. Elle se cache la coquette, joue les modestes. Il faut la mériter mais le travail paie toujours. Elle finit par se livrer et s’unir au macaron pareil à l’âme corrézienne : croustillant à l’extérieur et tendre à l’intérieur.
Notre butin bien caché au fond de nos cœurs, nous quittons, elle son chêne et moi mon saule. Nous reprenons la route de l’amitié pour retrouver, elle son stylo-plume, et, moi mon ordinateur, et écrire la mélodie du bonheur.
Mimi Scribouillard